Mapuches ? Vous avez dit Mapuches ?
Trente-deux Indiens Mapuches en grève de la faim demandent
que la loi antiterroriste adoptée sous la dictature de Pinochet ne leur
soit plus appliquée
Comme d'habitude, leur cause est passée sous silence
***
Le peu d'intérêt des médias pour ces grévistes de la faim est
à mettre au compte d'une pratique bien plus affligeante,
déplorable et inquiétante qu'une censure préméditée :
l'indifférence, tout simplement…
Ou autrement dit, et peut-être plus familièrement :
la flemme.
Le sujet n'est pas vendeur.
Le sujet est “inesthétique” et “pas vraiment glamour” :
il n'est pas aussi "mignon" que celui des dauphins et des petits
pingouins de Punta de Choros [réserve nationale de pingouins au
nord-ouest du pays menacée par un projet de centrale thermique].
C'est plus cool de manifester sur le Paseo Ahumada
[une des artères principales de Santiago du Chili] pour la défense
des pingouins et des dauphins que pour celle des Mapuches.
Et ce n'est pas moi qui le dis, c'est le cortège promapuche,
que je ne vois toujours pas défiler dans les rues de la capitale.
Pour toutes ces raisons, il n'y a pas lieu de parler d'information
muselée ou de complot antimapuche.
Il n'en est rien.
Cette histoire sans happy end n'intéresse simplement personne,
contrairement à celle des mineurs [depuis le 5 août, 33 mineurs
sont bloqués dans un puits du nord du pays] ou des pingouins.
L'absence de visibilité médiatique des Mapuches ne date pas
d'aujourd'hui. Elle est le fruit d'un long processus historique qui a
poussé le plus emblématique de nos peuples indigènes à en
être réduit à la violence et à l'illégalité. Et ce phénomène est
désormais intégré par la société civile aux cheveux les
plus clairs et aux noms de famille étrangers, qui ne cherche pas
vraiment à le remettre en cause.
Et ce qui est intéressant ici, c'est que le mouvement sur
Twitter, qui critique les médias pour leur couverture du
conflit mapuche, se comporte en fait de la même manière que
ces derniers, et – très probablement – pour les mêmes raisons.
Cette masse qui maîtrise les outils de communication et
ne connaît pas les contraintes de l'audiovisuel n'a pas non plus
fait grand chose hormis dénoncer, en 140 caractères,
le silence ou l'indifférence des médias.
Leurs phrases sont vigoureuses et leurs discours enflammés,
mais, au-delà, rien n'est réellement comparable avec le caractère
spectaculaire du mouvement anti-Barrancones [du nom du site
choisi pour l'installation d'une centrale thermique].
Je parierais même que cet article comptabiliserait beaucoup plus
de clics sur la Toile si la fenêtre affichait "Punta de Choros" au
lieu de "Mapuches".
Journaliste à Television Nacional de Chile
http://www.rfi.fr/ameriques/20100825-chili-prisonniers-mapuches-greve-faim-depuis-45-jours